Il fallait oser : compiler chroniques littéraires pointues et polémiques télé dans un livre, Pourquoi tant d’E.N. ? et s’exÂposer à son tour à la critique. Mais l’ex-sniper de Ruquier (On n’est pas couché) sait se défendre bec et ongles...
Eric Naulleau C’est sûr, j’ai un « dossier ». Je ne peux pas m’attendre à un accueil honnête. D’autant plus que le milieu littéraire ne me pardonne pas d’avoir fait de la télé.
Remarquez, vous plaidez pour une critique qui ne soit pas cire-pompes...
Certes. Ce que je goûte moins, c’est le Ârèglement de comptes...
Justement, comment avez-vous jugé la critique sévère d’Aymeric Caron, sur votre nouveau livre, chez Ruquier ?
Soit Aymeric Caron n’était pas dans un bon soir, ce qui arrive à tout le monde, soit il considère que l’agressivité, façon roquet enroué, peut remplacer non seulement le talent, mais aussi le travail, et c’est un mauvais calcul. En tout cas, c’est la première fois que j’entends un chroniqueur se vanter de son inculture. Durant tout notre « échange », je ne pouvais m’empêcher de penser : quel formidable candidat il ferait pour Qui veut épouser mon fils ?...
Vous êtes-vous senti l’arroseur arrosé ?
Non, l’arrosoir était vide...
Vos chroniques se sous-titrent « 1992-2012 ». Comme des inscriptions de pierre Âtombale...
Ça ne scelle aucune mort, rassurez-vous. Ce livre m’a permis de faire partager ma passion avec le grand public pour des Âauteurs comme Ismail Kadaré, Paul ÂGadenne ou Claudio Magris. Des génies.
A l’inverse, vous comparez le King Kong Théorie, de Virginie Despentes, à du « pipi de chatte »...
Déjà , ça montre que je l’ai lu ! Je lis tout, de la première à la dernière ligne, même si parfois, ça tient de l’héroïsme. Cela dit, la critique est aussi critiquable.
Et dans vingt ans peut-être, l’histoire littéraire vous donnera tort...
Et considérera que Despentes est une penseuse du calibre de Voltaire. Et que Christine Angot marque le tournant Âlittéraire du xxie siècle...
Vous êtes ironique, là .
Angot a un succès qui ne dépasse pas les Âlimites du périphérique. Comme elle vendait moins, avec son éditeur, ils ont tenté de faire un coup marketing avec son dernier livre. Ça donne une resucée de l’Inceste, un pauvre petit roman porno qui n’excite que les milieux Âgermanopratins.
Voilà qui ne va pas vous réconcilier avec le « milieu », en pleine saison des prix littéraires...
Si j’avais le pouvoir, mes deux premières mesures seraient : 1/ l’abolition de la téléréalité, 2/ celle des grands prix littéraires, qui n’est qu’une entente entre copains et coquins. Une magouille généralisée.
Il arrive qu’un roman mérite son prix ?
Comme une horloge arrêtée qui donne deux fois l’heure exacte. Les Bienveillantes, de Jonathan Littell, par exemple, est un grand livre.
Vous êtes en forme. Vous vous êtes rabibochés avec Ruquier ?
Le problème, c’est que j’aime avoir raison, et que Ruquier n’aime pas avoir tort. Et la presse a largement exagéré notre différend.
Quel regard portez-vous sur son émission aujourd’hui ?
Je ne la regarde pas. Le samedi soir, je suis souvent pris. Mais une chose me frappe : contrairement au duo que je formais avec Eric Zemmour, je n’ai pas l’impression qu’il y ait une vraie complicité entre ÂNatacha Polony et Aymeric Caron. Ils sont juste deux individus assis côté à côte.
Quelle est la nature exacte de votre Ârelation avec Eric Zemmour, avec qui vous officiez sur Paris Première ?
On est en phase sur l’essentiel : la littérature et les Rolling Stones. Mais sur certains points, on est irréconciliables.
Lesquels ?
L’islam. Il fait mal la différence avec l’islamisme. Il pense que le premier contient les germes du second. Je ne suis pas d’accord. Maintenant, je n’ai pas aimé la chasse à courre dont il a été victime. Il est bien moins réac que les gens le croient.
Et ça ne vous manque pas trop, une grosse chaîne ?
Non, j’aime être mon propre chef. J’aurais du mal à redevenir chroniqueur.
Sauf si vous avez besoin de bouffer...
Vous savez, j’en ai fait des petits jobs : distribuer des tracts Prisunic, vendre des glaces à Roland-Garros... J’ai aussi fait des traductions insensées, notamment la première saison de la série Urgences. Mais n’insultons pas l’avenir, vous avez raison.
Il y a des personnalités que vous ne pouvez plus inviter ?
Je pense qu’il me sera difficile de faire venir Michel Houellebecq, qui me considère comme « l’un des êtres les plus répugnants de la terre ».
Et vous pensez que l’image du sniper va vous coller aux basques encore longtemps ?
Oui, pour l’éternité. Internet se charge de ma postérité : quand on tape mon nom dans Google, le mot « clash » suit juste derrière. J’espère pourtant être une personne plus riche et complexe que ça.
Voici.fr